Episode n° 18 Castrojériz.
« Le vécu du pèlerin mendiant ».
Après 1 200 km de Marche en solitaire, dont 350 sur le ‘’Camino francès’’ en Espagne, je commence à me familiariser avec la langue du pays et n’hésite plus à engager de petites conversations avec les pèlerins espagnols.
Grâce à l’un d’eux, qui en était à son 3ème pèlerinage, St Jean pied de Port Santiago, et avec qui je marchais depuis quelques jours, j’ai pu découvrir un aspect totalement insoupçonné de ce que peut être, pour les riverains du Camino*, un pèlerin en Chemin vers Compostelle.
Avec un sourire malicieux mon compagnon de Chemin et ‘’conseiller’’ en communication, m’annonce qu’il est l’heure de passer de l’apprentissage de la langue espagnole, à l’expérimentation sur le terrain.
« Comme c’est bientôt midi, tu vas sonner à la porte d’une maison pour…demander de quoi manger. »
Stupeur ! Après de multiples tergiversations …pour me dérober devant une épreuve qui me semblait irréalisable, mon compagnon s’arrête, pose son sac à dos, me regarde droit dans les yeux, avec Force, Tendresse et détermination ….il agite vigoureusement la cloche située à l’entrée d’une belle propriété.
« Bonjour pèlerins, vous avez besoin de quelque chose ? »
Panique complète, je salue le propriétaire du lieu mais pas un mot ne vient pour expliquer le motif de notre appel.
Sans aucun doute cet homme comprend ma gène, au regard de la tête enjouée de mon compagnon, il le questionne… puis, tous les deux se mettent à rire joyeusement.
« Ha, vous avez le ventre creux, attendez je vous prépare un bocadillo* »
De quoi manger pour 2 jours !
Le plus étonnant c’est de constater combien cet homme prend plaisir à nous offrir ce repas, comme si pour lui notre demande d’Aide était un véritable cadeau du Ciel.
Nous reprenons le Chemin pour, un peu plus loin, savourer ces délicieux bocadillos, moment utilisé par mon partenaire pour surligner :
« Tu vois, chaque fois que tu achètes ‘’tes petits sandwichs’’ tu prives quelqu’un d’un moment de bonheur. »
Force est de constater que sur ce coup-là, mon compagnon de Marche à raison.
Le lendemain tout en cheminant nous échangeons sur l’évènement de la veille, de son point de vue je progresse mais… « Aujourd’hui tu te débrouilles tout seul pour demander notre repas ! »
Vers 13h00 à la sortie d’un hameau en passant devant une sorte de cabane de berger nous sommes tous les deux interpellés par la délicieuse odeur de barbecue qui s’échappe de la cheminée.
Avant même de poser son sac à dos, mon ‘’guide’’ dans l’art de ‘’mendier justement’’, s’écrie « Holà (bonjour en espagnol)… comme ça sent bon chez vous ! »
Dans l’instant, une petite fenêtre s’ouvre, un homme questionne : « Bonjour pèlerins, vous avez déjà mangé ? »
Je réponds que non et je confirme, « Oh oui…, elle sent vraiment très très bon cette appétissante odeur qui sort par votre cheminée ! »
Nous sommes alors invités à partager le chevreuil de quatre chasseurs qui fêtent leur réussite du jour.
Inoubliable moment où le vin coule à flot et où nous sommes considérés, ici encore, comme des Missionnés du Ciel pour transformer un bon repas de viande grillée à la cheminée en un joyeux moment de Fête.
Camino*, Chemin de Compostelle.*Bocadillo , Sandwich en français.